Timor-Oriental : deux anciens résistants en tête de la présidentielle

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Affichage des résultats du premier tour de la présidentielle au Timor-Oriental dans un bureau de vote de Dili, dimanche 18 mars.

Dix ans après l'indépendance, les dirigeants de la résistance timoraise à l'occupation indonésienne continuent d'occuper un poids important dans la vie politique. Le second tour de l'élection présidentielle verra s'affronter deux anciens guérilleros. Francisco Guterres, dit "Lu Olo", est arrivé samedi 17 mars en tête du scrutin avec plus de 28 % des suffrages, devant le général José Maria de Vasconcelos. Ce dernier, plus connu sous son nom de guerre, Taur Matan Ruak ("Deux yeux perçants" en tétum, l'une des langues officielles) a remporté 25 % des voix.

Le 16 avril, le pays de 1,1 million d'habitants, riche en pétrole mais où la misère s'affiche à chaque coin de rue, devra choisir entre ces deux leaders, très différents du charismatique président sortant José Ramos-Horta, arrivé en troisième position avec quelque 18 % des votes.

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Lors de la précédente présidentielle en 2007, Lu Olo avait perdu au second tour face à M. Ramos-Horta, qui bénéficiait alors de l'appui du parti du premier ministre, le Congrès national pour la reconstruction de Timor (CNRT). Lu Olo, candidat et président du parti de gauche Fretilin (Front révolutionnaire pour l'indépendance du Timor-Oriental) est impliqué dans la vie politique de la nation depuis les débuts de la jeune démocratie. En mai 2002, alors président du nouveau Parlement, il déclarait la restauration de l'indépendance, après vingt-quatre ans sous le joug indonésien.

PÉTROLE, CORRUPTION ET PAUVRETÉ

Lu Olo avait rejoint Fretilin en 1974, avant de prendre des responsabilités dans le mouvement qui a combattu les Indonésiens. Aujourd'hui, le juriste de 57 ans affirme vouloir lutter contre la pauvreté et la corruption. "Les revenus du pétrole, dont le pays bénéficie depuis quelques années seulement, n'ont pas été dépensés de façon viable. En cinq ans, nous avons utilisé 4 milliards pour un million d'habitants, et pourtant les infrastructures continuent de se détériorer", a-t-il déclaré au Monde, critiquant le bilan de l'actuel premier ministre, Xanana Gusmao.

M. Gusmao, dont la relation avec M. Ramos-Horta s'est refroidie depuis 2007, a cette fois-ci choisi de soutenir le général Taur Matan Ruak. L'ancien chef des forces armées a également promis de lutter pour éradiquer la pauvreté et a plaidé pour l'établissement d'un service militaire obligatoire. Sa candidature et son style - il a fait campagne en uniforme - inquiètent certains au Timor, qui doutent de son respect pour la démocratie et estiment qu'il pourrait renforcer le pouvoir de l'exécutif.

"La peur qu'il ne respecte pas le système démocratique est l'une des raisons mêmes pour lesquelles le président se serait représenté", affirme un observateur à Dili. En 2006, le général était à la tête de l'armée, lorsqu'elle fut confrontée à un conflit interne qui a failli plonger le Timor dans la guerre civile. Les Nations unies avaient recommandé qu'il soit inculpé pour un trafic présumé d'armes au cours des violences qui avaient suivi.

PAS TROP TARD POUR CHANGER DE CAP

De son côté, M. Ramos-Horta a refusé de donner une consigne de vote, au nom de la neutralité de son rôle. Si la fonction de président est surtout symbolique, le scrutin pourrait néanmoins donner une claire indication de la tendance pour les élections parlementaires en juin.

La victoire de Taur Matan Ruak serait vue comme un signe encourageant pour le premier ministre, Xanana Gusmao, qui se représentera. Si M. Gusmao, lui-même considéré comme un héros de la résistance, a été salué pour avoir contribué à la restauration de la paix, il est souvent critiqué pour son autoritarisme et accusé de ne pas avoir suffisamment investi dans les services sociaux nécessaires dans ce pays qui a besoin de tout.

"Il n'est pas trop tard, mais il faut changer de cap aujourd'hui et prendre les bonnes décisions en termes d'investissements pour se concentrer sur l'éducation et la santé", avertit Charles Scheiner, de l'ONG La'o Hamutuk, qui analyse le développement au Timor.

publié par Association France Timor Leste @ 09:08,

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