Taur Matan Ruak, président du Timor: «Notre peuple aspire maintenant à ce que la paix perdure»

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Taur Matan Ruak, le président du Timor oriental élu en avril 2012.
Taur Matan Ruak, le président du Timor oriental élu en avril 2012.
REUTERS/Lirio Da Fonseca

Par Vincent Souriau
Le Timor oriental fête ce week-end les dix ans de son indépendance, proclamée le 20 mai 2002. Ce micro-Etat, l’un des plus pauvres de planète, reste meurtri par une guerre de 24 ans face à l’occupant indonésien, qui a fait plus de 180 000 morts. Le pays se relève peu à peu avec l’aide des Nations unies, malgré un nouvel épisode de violences en 2006. En avril dernier, il a pour la première fois entièrement supervisé l’élection présidentielle, qui a vu l’ancien guérillero Taur Matan Ruak emporter le scrutin. Le nouveau chef de l’Etat répond aux questions de RFI.

RFI : Quelles sont vos priorités pour le Timor oriental ?
Taur Matan Ruak : La priorité, c’est le scrutin législatif du 7 juillet. Il est primordial que le processus électoral se déroule de manière aussi naturelle que pendant l’élection présidentielle. C’était la première fois que le Timor oriental organisait un processus électoral avec ses propres ressources humaines et ses institutions. Cela a été un pas majeur vers la maturité pour notre démocratie. Ce nouveau défi doit renforcer cette maturité et prouver notre volonté irrépressible d’un Etat de droit. Il nous faut également préparer et assurer le suivi du retrait de la Mission intégrée des Nations unies au Timor oriental (MINUT) et des forces internationales déployées au Timor au lendemain de la crise politique de 2006.

RFI : Est-ce le bon moment pour un départ des forces de maintien de la paix ?
T. M. R. : Je n’en ai aucun doute. Notre pays est stable et en paix. Notre peuple aspire maintenant à ce que cette paix perdure. Les Nations unies ont joué leur rôle, un rôle important pendant les dix dernières années. Je crois qu’il est temps pour nous de reprendre la responsabilité pleine et entière de notre propre pays.

RFI : Le taux de chômage atteint des sommets, en particulier chez les jeunes. Quelle est la meilleure manière de développer des emplois ?
T. M. R. : D’abord, investir pour créer des infrastructures industrielles et éducatives. Ensuite, décentraliser l’investissement en dehors de plus grands pôles urbains, ce qui est possible pour le tourisme, la pêche ou l’agriculture, entre autres. Le service militaire obligatoire fait aussi partie de la solution. Il présente trois avantages : un emploi et un salaire sûrs, une formation multi-facettes et la diffusion d’un système de valeurs cohérent avec l’identité de notre peuple, notre culture, nos ancêtres. Notre société a connu 24 années d’une guerre traumatisante et une occupation qui a mis à mal notre identité jusque dans notre système de valeurs. Pendant les dix ans de l’après-guerre, nous avons également été sous l’influence de cultures et de modes de vie étrangers [ndlr : ceux des employés de l’ONU présents dans le pays depuis 1999]. Cela a conduit à une érosion de nos traditions séculaires. Le service militaire obligatoire permettrait de rétablir ce socle.

RFI : Le fonds pétrolier timorais affiche un solde positif de 10,54 milliards de dollars. Considérez-vous pour autant que les ressources du pays soient bien gérées ?
T. M. R. : Nous souffrons déjà du vieil adage qui dit que les ressources pétrolières sont à la fois bénédiction et mauvais sort. Les mentalités changent dans les grandes villes. L’appât de l’argent qui coule à flots, la possibilité de tout acheter et de ne rien produire… Je n’aime pas cela ! Oui, nous avons la chance d’avoir des ressources naturelles qui peuvent nous aider dans notre processus de développement sans dépendre des donateurs internationaux comme cela a été le cas les cinq premières années de notre indépendance. Mais le personnel politique doit être complètement impliqué pour l’utilisation rationnelle et durable de nos ressources, de façon à ce que leurs bienfaits puissent bénéficier à notre peuple et au pays.

RFI : José Ramos Horta, le président sortant, a gracié des centaines de criminels de guerre pendant son mandat, considérant que ces gestes « fermeraient définitivement l’une des périodes sombres de l’histoire récente ». Quelle est votre position face à la violence politique qu’a connue votre pays entre 1975 et 1999 ?
T. M. R. : Ma position est claire : deux commissions ont travaillé sur ce sujet. L’une exclusivement composée de Timorais, l’autre avec le soutien total du chef de l’Etat indonésien. Ces deux commissions ont présenté leurs conclusions et recommandations. Elles n’ont pour l’instant pas été mises en œuvre. Mon engagement, c’est de m’assurer que le Timor oriental ait un avenir prospère et que nous puissions travailler avec l’Indonésie en sécurité et en confiance. Je ne construirai pas sur le passé, je préfère regarder vers l’avenir pour inspirer et mobiliser les Timorais afin qu'ils participent activement au développement et au progrès de notre pays.

publié par Association France Timor Leste @ 08:05,

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