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Pardonner,
tirer un trait sur le passé, se concentrer sur l’avenir. Vingt ans
après le référendum d’autodétermination qui allait mener l’ancienne
colonie portugaise à l’indépendance en 2002, l’ancien président du Timor
oriental, José Ramos-Horta (2007-2012), revient pour Le Monde sur ce qu’il considère être un aspect fondamental des premières années d’existence de la toute jeune démocratie : « L’un
des plus grands succès de notre pays est d’avoir réussi à panser ses
plaies. Nous avons achevé un processus de “guérison nationale” des
traumatismes », estime cet homme de 69 ans, rencontré dans le jardin de sa belle propriété dominant la baie de Dili, capitale du Timor-Leste.
Fils
d’un Portugais exilé durant la dictature de Salazar (1933-1974) et
d’une mère timoraise, il fut, dès la sanglante invasion de son pays par
l’armée indonésienne, en 1975, et durant les vingt-quatre années
d’occupation qui suivirent, l’infatigable porte-parole de la résistance.
Sa légitimité au regard de l’histoire et son prix Nobel de la paix,
reçu en 1996, qu’il partagea avec l’évêque de Dili Mgr Carlos Filipe Belo, lui permettent d’afficher un pragmatisme absolu sur tous les sujets. Au risque d’en choquer plus d’un.
Selon
lui, la mise sur pied d’un tribunal spécial, sur le modèle de ceux qui
ont condamné les génocidaires rwandais ou les criminels serbes, n’aurait
pas été pertinente pour son île. « Les événements qui ont mené à
notre indépendance se sont chargés par eux-mêmes de régler la question
d’un hypothétique jugement, assure-t-il. Ce sont les
Indonésiens qui ont forcé le dictateur Suharto à la démission. Quant aux
pays de la communauté internationale qui avaient pris position contre
nous en s’alignant sur l’Indonésie, comme les Etats-Unis et l’Australie,
ils ont fini par jouer un rôle crucial en notre faveur ! »
Géants indonésiens et australiens
Celui
qui fut aussi ministre des affaires étrangères (2002-2006) et premier
ministre (2006-2007) affirme en outre, à raison, que l’inculpation
formelle, en 2003, par les Nations unies, de l’ancien commandant en chef
des forces armées indonésiennes, le général Wiranto, pour crimes contre
l’humanité au Timor, n’a servi à rien : « Il était impensable d’imaginer que l’Indonésie allait le livrer pour qu’il soit jugé ! » Non seulement Wiranto n’a jamais été livré par Djakarta, mais il est aujourd’hui ministre de la sécurité de son pays…