Interview de l'archevêque de Kupang sur la venue du Pape à Timor Leste
Publié le 2024/07/25
Organe d'information des Œuvres Pontificales Missionnaires
ASIE/INDONÉSIE - L'archevêque de Kupang : pour rencontrer le Pape, les fidèles indonésiens se rendront au Timor oriental, une occasion de réconciliation
par Paolo Affatato
Kupang (Agence Fides) - La porte de sa résidence, une maisonnette d'un
étage située au centre de la ville de Kupang, est toujours ouverte, même
la nuit. Il en est de même pour la porte de sa maison. Sur le pas de la
porte de Hironimus Pakaenoni, archevêque métropolitain de Kupang depuis
mars 2024, des prêtres, des missionnaires, des croyants individuels qui
veulent partager une joie ou une souffrance frappent et entrent sans
aucune formalité. Le père Raymond Maurus Ngatu, 31 ans, nouveau prêtre
indonésien de la congrégation des Missionnaires des Saints Apôtres,
vient y demander une bénédiction à la veille de la célébration de sa
première messe dans une paroisse de sa ville natale de Kupang.
L'archevêque distribue sourires et conseils, accorde des bénédictions
et, surtout, dit un mot et un secret pour ce travail missionnaire : «
Avoir toujours confiance en Dieu, et non en nous-mêmes. Soyez des
instruments entre ses mains ».
Kupang est le plus grand centre urbain de la partie occidentale de l'île
de Timor (la partie indonésienne, l'autre moitié étant l'État
indépendant du Timor oriental, ndlr), et la capitale de la province
indonésienne de Nusa Tenggara orientale. Avec une population de plus de
430 000 habitants, c'est une ville portuaire asiatique typique, plutôt
chaotique, un méli-mélo de gens affairés, un lieu de passage, entre les
commerçants et les pêcheurs qui font du trafic de marchandises vers de
nombreuses autres îles de l'est de l'Indonésie. Le diocèse de Kupang
(qui compte 1,6 million d'habitants) est l'un des rares en Indonésie -
la nation aux 17 000 îles, le pays à majorité musulmane le plus peuplé
du monde - à abriter une population à majorité chrétienne. La population
locale est composée à 60 % de chrétiens protestants, à environ 35 % de
catholiques et à seulement 3 ou 4 % de musulmans.
Mgr Roni - comme aiment l'appeler les prêtres et les fidèles - est
heureux d'avoir célébré l'ordination diaconale de 14 jeunes hommes qui, «
si Dieu le veut, deviendront bientôt prêtres, 12 d'entre eux au mois de
novembre », explique-t-il à Fides dans sa résidence. « Et quatre
d'entre eux - souligne-t-il - savent déjà qu'ils seront «missionnaires à
domicile », comme nous appelons les prêtres envoyés pour servir dans
d'autres diocèses indonésiens, là où il y a un besoin de prêtres et de
religieux, comme à Sumatra, à Kalimantan (Bornéo indonésien) ou en
Papouasie indonésienne », raconte-t-il, en parlant avec joie de la
“solidarité entre les diocèses indonésiens”. Les 35 paroisses du
territoire de Kupang (et neuf autres chapelles qui pourraient bientôt le
devenir), dit l'archevêque, « enregistrent un afflux massif et une
participation des fidèles à la vie de l'Église et aux sacrements. La foi
est vivante, nous le voyons surtout chez les jeunes. Nous le voyons
dans les vocations sacerdotales que le Seigneur continue à nous donner :
au petit séminaire, nous avons plus de 100 jeunes hommes, et 90 au
grand séminaire. L'Évangile continue d'attirer les jeunes »,
rapporte-t-il, alors que l'Église locale gère plus de 90 écoles
catholiques, du primaire au secondaire, grâce également à l'aide de 53
congrégations religieuses, masculines et féminines, actives dans la
région.
Eh bien, cette communauté, dit l'archevêque, est en train d'élaborer un «
chemin court » pour rencontrer le Pape François, qui sera en Indonésie
du 3 au 6 septembre au sein de son voyage qui touchera au total quatre
pays (Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Timor oriental, Singapour)
en Asie et Océanie du 2 au 13 septembre.
« Ils ne le verront pas tant à Jakarta, la capitale, où le Pape restera
trois jours, note-t-il, qu'à Dili, au Timor oriental, de l'autre côté de
la frontière. Selon les prévisions, environ 10.000 fidèles, provenant
des diocèses de Kupang et d'Atambua (une autre ville proche de la
frontière), se rendront de l'autre côté de l'île, pour assister à la
messe sur l'esplanade de Tesitolu, à Dili », confirme à Fides Mgr
Pakaenoni.
Il est plus facile de se rendre au Timor oriental, à environ 10 heures
de bus de Kupang, que d'organiser un voyage coûteux à Jakarta où, entre
autres, l'organisation a convoqué une centaine de délégués de chaque
diocèse. Les fidèles du Timor occidental bénéficient donc d'une
opportunité particulière : le Pape François sera sur leur propre île,
mais dans la petite nation voisine.
« Nous travaillons avec le gouvernement indonésien pour aider les
catholiques à participer à la visite du Pape à Dili. Nous avons demandé
aux prêtres, aux religieuses et aux fidèles de s'inscrire dans les
paroisses. Le diocèse a également pris des dispositions avec le bureau
de l'immigration pour traiter les documents de voyage. De nombreux
fidèles n'ont pas de passeport et un permis spécial leur sera délivré,
uniquement pour le pèlerinage. Par ailleurs, les fonctionnaires ont mis
en place une procédure spéciale prévoyant la délivrance des passeports
en trois jours, au lieu des deux semaines habituelles », informe le
prélat. Certains croyants viendront également des îles voisines
(indonésiennes) de Rote, Alor et Sabu. À Dili, capitale du Timor
oriental - où le pape François séjournera du 9 au 11 septembre, après
des étapes en Indonésie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée - la présence de
fidèles indonésiens est également attendue. « Il y a un plein accord
avec la Conférence épiscopale du Timor oriental. L'accueil,
l'hospitalité et la nourriture des pèlerins indonésiens devront être
assurés. L'organisation a été mise en route », révèle l'archevêque.
Le Pape François célébrera la messe le 10 septembre sur l'esplanade de
Tesitolu, à la périphérie de Dili, à l'endroit même où le pape Jean-Paul
II avait célébré la messe lors de sa visite en 1987, lorsque le Timor
oriental était sous domination indonésienne. Les blessures de ce passé
ont été presque entièrement cicatrisées par un chemin de réconciliation,
basé sur une démarche autant psychologique, de guérison des
traumatismes, que spirituelle. Mais il reste des marques et des
cicatrices qui saignent. Après 1999, lorsque le Timor oriental a déclaré
son indépendance lors d'un référendum organisé sous les auspices des
Nations unies, il y a eu une période de tension et de confusion, marquée
par la violence et les massacres perpétrés par les milices
pro-indonésiennes. Dès les années suivantes, un flux de personnes
déplacées a fui le Timor oriental et s'est déversé à Atambua et Kupang,
en raison des troubles. Il y eut 250 000 réfugiés qui retournèrent
progressivement au Timor oriental dans les années qui suivirent. À ce
moment historique, la communauté catholique de Kupang s'est rapprochée
des personnes déplacées en lançant des initiatives de solidarité, en
distribuant de la nourriture et en prodiguant des soins de santé.
Aujourd'hui, selon l'archevêque, Dieu offre une opportunité à cette
douloureuse affaire : « La présence du Pape peut approuver et sceller le
chemin du rapprochement et de la réconciliation. Il s'agit d'une visite
non seulement pour les catholiques, mais aussi pour l'ensemble de la
population. Il faut dire qu'entre les Eglises du Timor occidental et du
Timor oriental, il n'y a pas de problème et que nous sommes en pleine
communion. Certaines difficultés et souffrances subsistent dans des
segments de la population, dans des familles qui ont perdu des êtres
chers dans la violence et qui voient encore les bourreaux de l'autre
côté de la frontière. Je pense que la présence du Pape François est
providentielle. Il peut s'agir d'un moment de grâce particulier, d'un
kairòs aussi pour la réconciliation entre des familles marquées par le
chagrin. Ce pourrait être un moment de demande et de réception du
pardon, dans la foi en Dieu qui guérit les blessures. Je vois qu'il y a
de la bonne volonté parmi les gens, et nous, en tant que catholiques,
nous pouvons être des médiateurs et des facilitateurs dans ce processus
qui, nous le savons, est difficile, car il implique des émotions et de
l'intériorité. C'est pourquoi nous demandons l'aide de Dieu et lui
faisons confiance ».
(Agence Fides 24/7/2024)
publié par Association France Timor Leste @ 16:00,