Les jeunes de Becora
Publié le 2009/08/22
(Timor Leste dix ans apres le referendum - deuxieme article)
Situé dans la partie orientale de Dili, Becora est l’un des quartiers les plus sensibles de la ville. Pendant la crise de 2006 de nombreuses maisons furent incendiées et des centaines de familles sont parties prendre refuge dans les campements de déplacés. Elu en 2005, Antonio da Silva Soares est le chef de suco (maire de la commune). Il est précis : à Becora habitent 18.790 personnes. Mais il relativise tout de suite, à la population des 14 aldeias (villages) du suco, il faut rajouter trois campements de déplacés, on devrait être dans les vingt mille.
Les déchirements ethnico-politiques de 2006-2007 sont loin d’être guéris : la vie normale a repris, presque tout est reconstruit, mais il reste à poursuivre le rapprochement entre les divers secteurs de la population et à créer de nouvelles bases d’une confiance retrouvée.
Comme partout au Timor, les jeunes constituent la majorité de la population. Sur le terrain du siège du suco, les jeunes de Becora ont bénéficié, en juin 2007, d’un nouveau Centre de jeunesse, construit grâce à la Fondation Xanana Gusmao, à la Fondation Post Conflict et Développement, et à la Coopération monégasque : le Prince Albert avait fait le déplacement lors de l’inauguration.
La direction du centre et de son equipe sont placees sous la responsabilite du chef des jeunes du suco (egalement elu en 2005 et dont le renouvellement va etre soumis au vote le 9 octobre prochain), Sérgio F. Marques. Il travaille dans un Ministère et consacre son temps libre à l’animation des réseaux du quartier, essaye de mobiliser la jeunesse, en est le porte parole, intervient dans des activités de médiation, lorsqu'il y a des conflits au sein de la jeunesse dans Becora, apporte un soutien pour que les jeunes se structurent au sein des aldeias.
Depuis 2008, en complement avec l’animation du Centro juventude Becora, un projet de soutien psychosocial a vu le jour, gere par Nicolas Grillet pour le compte de l’ONG française TRIANGLE Génération Humanitaire, bénéficiant de financements de l’Union Européenne (ECHO), fonds d’urgence humanitaire, du Ministere francais des affaires etrangeres (ex- Direction de l'Aide humanitaire / Centre de Crise) et de la Fondation Bruneau, via la Fondation de France. Le financement ECHO (au titre de l’aide au retour de déplacés), s’arrête ce mois-ci. Le MAE prolonge son soutien jusqu’en janvier 2010.
L'objectif du projet : réduire les conflits entre communautés déplacées et "hôtes", et intégrer les jeunes retournes des camps de deplaces aux activités proposées par le centre de jeunes.
16 personnes travaillent dans cette equipe, dont Nicolas, le seul expat, la chef de projet adjointe, Mery Estela et 14 autres Timorais, animateurs, formateurs, logisticens, etc.
Les trois axes principaux d’activité sont : un centre informatique, des ateliers de répétition pour les groupes de musique, des formations. En ce moment, se déroule une formation de 9 mois pour 90 jeunes d’une moyenne d’âge de vingt ans, sans emploi et hors du système scolaire. L’un des critères de recrutement : obligatoirement deux garçons et deux filles de chacun des 14 villages de chaque sous-quartier et village, et de chacun des trois camps de transit du suco, question de faire bien comprendre qu’il n’y a pas de favoritisme dans le choix des bénéficiaires. Chacun d’eux suit trois heures de cours par jour, anglais pendant trois mois, puis portugais et enfin informatique pour la même durée. Pour que l’on se rende bien compte de ce que cela veut dire, ajoutons que certains villages sont situés à une heure à pied du centre, dans la partie montagneuse de Becora.
Les neuf groupes de musique qui répètent au Centre viennent après 17h, en semaine et apres 14h le week-end, à tour de rôle, et y trouvent des instruments et un technicien son. Ils jouent des musiques traditionnelles, du rock du reggae... La scène en extérieur, donnant sur la grande route de Becora, est le lieu emblématique du Centre et la fierté de Nicolas.
L’impact du projet psychosocial va bien au-delà des murs du Centre de Jeunes, avec le soutien à divers projets menés par des jeunes et des femmes. Nous en avons visité deux : « Sangar cultura » regroupe, autour de Angel, le coordinateur de l’atelier, environ 25 jeunes garçons qui font de la peinture et de la sculpture en toute autonomie. Ils sont installés dans d’anciens locaux indonésiens, abandonnés en 1999, et qui abritent des familles et des activités, juste à côté de la prison centrale de Becora. En ce moment, ils préparent des toiles de grand format pour répondre à un appel à projets lancé par le Président de la République.
L’atelier couture, qui associe une quinzaine de femmes, produit et commercialise des nappes, des rideaux et d’autres matériaux pour la maison. Il génère un revenu complémentaire pour les familles. Mais c’est surtout une manière de retisser des liens sociaux mis à mal il y a trois ans.
publié par Association France Timor Leste @ 04:52,