Le Timor retrouve le calme mais aucune majorité stable ne se dessine

LE MONDE | 05.07.07 | 16h49 • Mis à jour le 05.07.07 | 16h49
BANGKOK CORRESPONDANT

Les premières élections législatives organisées au Timor-Oriental depuis l'indépendance, en 2002, de l'ancienne colonie portugaise - occupée par l'Indonésie en 1975 - ont placé en tête le parti historique de la lutte indépendantiste, le Front révolutionnaire du Timor indépendant (Fretilin), mais sans lui redonner les quasi pleins pouvoirs dont il disposait depuis 2001 au Parlement.


En conséquence, il est probable que le prochain gouvernement sera formé par une coalition emmenée par l'ex-chef de l'Etat, le populaire Xanana Gusmao, qui a rompu avec le Fretilin dans les années 1990 et manoeuvre depuis des mois pour mettre un terme à ce qu'il considérait comme un régime de parti unique. Reste au Fretilin à reconnaître que sa victoire n'en est pas une.

Quelque 90 % des électeurs se sont volontairement rendus aux urnes samedi 30 juin - un taux de participation constant depuis l'instauration sous la tutelle onusienne d'un fonctionnement démocratique des institutions.

Les résultats, disponibles jeudi 5 juillet avec plus de 90 % des votes décomptés, donnaient environ 29 % des voix au Fretilin, 23 % au Congrès national pour la reconstruction du Timor (CNRT) de Xanana Gusmao et 12 % au Parti démocrate de Fernando Araujo, dit Lasama.

Ce dernier a d'ores et déjà déclaré qu'il était prêt à se joindre à une coalition portant M. Gusmao au poste de premier ministre. Cette solution est également favorisée par Jose Ramos-Horta, élu en mai à la présidence de la République, fonction honorifique. Mais plusieurs personnalités jugent prudent d'inclure le Fretilin dans le gouvernement en raison des divisions graves qui ont mené le pays au chaos voici un an. "Nous ne nous faisons pas confiance et les fossés entre Est-timorais sont très profonds", a souligné Lasama.

Les violences du printemps 2006 qui ont frappé Dili, la capitale, ont conduit des dizaines de milliers de civils à se réfugier à la périphérie urbaine, où 10 % de la population de la ville campent toujours par crainte pour leur sécurité. Les 3 000 policiers internationaux et militaires australiens présents ne sont pas parvenus à calmer les gangs formés par ces jeunes désoeuvrés.

Le bilan du scrutin du 30 juin comporte deux facettes commentées par les analystes. Pour la troisième fois en trois mois, les Timorais se sont rendus massivement aux urnes, dans l'ordre. Les craintes de manoeuvres de déstabilisation ne se sont pas matérialisées. Le professeur Damien Kingsbury, de Deakin University en Australie, coordinateur d'une mission à Timor pour la gouvernance locale, y voit un signe fort de la volonté des Timorais de parvenir à une "démocratie consolidée". "Voici un an, nombreux étaient ceux qui pensaient que la démocratie vacillante de Timor-Oriental avait échoué, selon un processus courant dans l'histoire des décolonisations", écrit-il dans le quotidien australien The Age.

Or, souligne-t-il, le retour des Nations unies dans le pays en 2006 a certes aidé à en revenir à un processus politique dans le calme, mais "si les Timorais n'en avaient pas voulu, la communauté internationale n'aurait guère eu les moyens d'imposer une garantie démocratique".

Revers de la médaille, les problèmes qui ont fait le terreau de la crise demeurent entiers. La moitié de la population active est sans emploi. Quelque 60 % des habitants sont illettrés ou presque. Le pays manque de techniciens aptes à exploiter pour son propre compte les réserves pétrolières et gazières offshore que l'Australie, non sans réticences, lui a laissées.

Les électeurs ont sanctionné l'échec moral du Fretilin dans sa gestion de la paix depuis l'indépendance, et l'affairisme du clan crypto-marxiste qui s'était emparé de sa direction sous la houlette de Mari Alkatiri. Mais les conversations, à Dili, en reviennent toujours à la question de savoir quelle est la détermination des instances internationales à fournir un effort durable d'assistance sur le terrain - quinze ans ou plus.

En 2005, le départ prématuré de l'ONU appelée ailleurs avait causé l'effondrement du fragile Etat. Si la crise n'a fait alors "que" quelque quarante morts et des réfugiés, Timor ne le doit qu'au traumatisme des vingt-cinq ans d'occupation indonésienne brutale (consentie par Washington) à partir de 1975.

Les innombrables bâtisses éventrées et ainsi que les chaussées défoncées de Dili témoignent encore de ces violences passées.

Francis Deron
Article paru dans l'édition du 06.07.07.

publié par Association France Timor Leste @ 23:39,

0 Comments:

Enregistrer un commentaire

<< Home