Les réfugiés timorais en colère contre le PAM
Publié le 2008/02/17
Article publié le 16/02/2008 Dernière mise à jour le 17/02/2008 à 07:37 TU
70 000 personnes sont toujours enregistrées comme habitant dans les camps de réfugiés de Dili. Cela fait deux ans qu'ils y sont et ils ont peur de rentrer chez eux.
(Photo : S. Honorine/RFI)
Avec notre envoyée spéciale à Dili, Solenn Honorine
Les enfants qui jouent à se coller sur le t-shirt les autocollants de l'aide humanitaire japonaise qu'ils ont chipés dans le camion garé à côté sont les seuls à rire aujourd'hui dans le camp de réfugiés de Bacora, à Dili. Les adultes, eux, font grise mine car les rations mensuelles de nourriture qu'ils reçoivent depuis deux ans déjà ont été brutalement diminuées de moitié.
« Ici, à Dili, on ne peut pas avoir de petit jardin pour cultiver nos légumes. On vit dans les camps de réfugiés, on n'a pas de travail, alors comment peut-on acheter notre nourriture ? », se demande Josefa Fernandes, 43 ans, qui vit ici avec ses huit enfants. Cela fait deux ans qu'elle est réfugiée au sein même de sa ville : sa maison a été brûlée lors des violences de 2006 qui avaient déchiré Dili, mais même si elle avait un toit à mettre au-dessus de sa tête, elle hésiterait encore à rentrer. Quelques jours à peine après la double attaque contre le président et le Premier ministre de son pays, elle aurait peur d'être isolée chez elle.
Ils sont 100 000 comme elle à travers le pays, 70 000 à Dili. Dans un pays d'à peine un million d'habitants, c'est un problème crucial qui fait peser une menace constante sur la stabilité du pays. D'ailleurs, ce sont les camps, surtout les plus gros d'entre eux, qui sont souvent montrés du doigt comme les refuges des fauteurs de troubles, ces gangs de jeunes qui font trembler la capitale, surtout la nuit tombée. Alors, la brutale décision de réduire les rations de moitié n'est pas allée sans heurt.
Des menaces
La semaine dernière, Martinho Mendonza, un jeune employé du Programme alimentaire mondial (PAM), était nerveux à l'idée de se rendre dans les plus grands camps de Dili – qui sont aussi les plus politisés. « Quand on est allés dans celui proche de l'aéroport, et qu'on a dû leur dire qu'ils ne recevraient que la moitié de ce qu'ils avaient d'habitude, certains des réfugiés nous ont menacés. Personne n'a été blessé, mais une de nos voitures a été abimée », se souvient-il.
Une fois par mois, une distribution de riz et d'huile est organisée dans les camps de réfugiés.
(Photo : S. Honorine/RFI)
« Pourtant, explique Joan Fleuren, son directeur national, la décision n'a pas été prise à la légère ». Selon l'ONU, seulement 30 000 à 35 000 personnes vivent dans les camps de la capitale. « C'est beaucoup, mais seulement moitié moins que les 65 000 officiellement enregistrés en tant que réfugiés : certains sont rentrés chez eux, et d'autres ne vivent que par moment sous ces tentes blanches frappées des sigles de l'ONU parsemées dans la capitale », explique-t-il. « Selon nos études, seuls la moitié des réfugiés sont dépendants de l'aide alimentaire. Pire encore, la moitié des habitants de Dili qui ne reçoivent pas d'aide n'ont pas assez à manger pour vivre. Nous sommes donc en train d'identifier les personnes à risques, auxquelles nous augmenterons les rations dans le futur ».
Refuser l'aide pour protester
Le PAM, qui gère l'opération en appui au gouvernement timorais, assure pourtant avoir largement diffusé l'information sur la diminution des rations avant de la mettre en œuvre. Mais beaucoup de réfugiés n'acceptent pas cette nouvelle donne et la semaine dernière la moitié des 50 camps de réfugiés ont refusé toute aide en signe de protestation. D'ailleurs, la diminution des rations est souvent vécue comme une insulte de plus de la part d'un gouvernement dont les lents progrès en matière de développement du pays déçoivent les Timorais.
Traitement anti-moustiques contre la dengue qui sévit en cette saison des pluies dans les camps insalubres.
(Photo : S. Honorine/RFI)
« Nous on ne reste pas dans le camp afin de recevoir quatre, dix ou peu importe combien de kilos de riz. Nous sommes des victimes », grogne Custodio Lopes, abrité sous sa tente du camp Obrigado. Cela fait deux ans qu'il vit avec sa famille dans ce camp de toiles blanches, qu'une équipe sanitaire est venue aujourd'hui asperger de produits anti-moustiques, pour enrayer l'épidémie de dengue qui progresse en cette saison des pluies.
Custodio accuse le gouvernement de négliger les réfugiés qui, dit-il, « ont besoin de plus de sécurité pour, enfin, pouvoir rentrer chez eux ». Mais avec l'attaque de lundi dernier contre le chef d'Etat et les tensions sécuritaires qui en découlent, les perspectives des réfugiés de rentrer enfin chez eux s'éloignent.
publié par Association France Timor Leste @ 20:13,